Mengzhi Zheng

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Visions d’espaces
et rêves d’architecture

J’ai d’abord été présent sur la scène artistique pour mes Maquettes abandonnées, sortes de visions d’espaces, rêves d’architecture. Mes sculptures en tasseaux de bois, mes Espaces non fonctionnels, mes dessins ou mes gravures développent une démarche plastique autour de problématiques liées à l’espace.

Des morceaux de carton, de papier, de bois de cagette ou tout autre élément se trouvant à portée de la main lorsque je travaille à mon bureau m’ont paru pouvoir être assemblés de manière aléatoirement poétique. Ils ont donné ainsi naissance à des éléments plastiques et visuels qui évoquent une habitation, en même temps qu’ils m’ont entraîné dans une autre dimension mentale. A priori inhabitables, elles se sont pourtant manifestées à moi comme des incitations à la rêverie : Visions d’espaces et rêves d’architecture…

Retour d’un voyage en Chine en 2008. S’en suit la figure d’un balancement intime entre les grands espaces de l’enfance et les rues étroites du Paris du haut marais. J’y découvre que les vastes espaces de mon enfance ont été envahis par de grands immeubles… Je me suis souvenu alors comment mon imagination travaillait déjà à Paris à partir de l’heureux chaos urbain des empilements de cartons des boutiques. Peu à peu s’est imposée poétiquement une relation interrogative qui pouvait exister entre espaces habités et espaces non-habités : à travers des œuvres qui posent un regard interrogatif sur notre pratique contemporaine de l’architecture.

Dans mes carnets, j’ai continûment poursuivi la pratique du dessin : esquisses de bâtiments potentiels, saisis dans l’éternité du suspens de la construction. Mais c’est la photographie qui m’a permis d’expérimenter le rapport du corps à l’architecture et de parvenir à une image mentale du lieu. Enfin, grâce à la gravure, j’ai pu trouver comment révéler les articulations autour desquelles ce que l’on nomme «espace» se constitue. Nous croyons connaître l’espace, de toute éternité, alors que celui-ci n’existe que par l’infinité des gestes qui le construisent!

Toutes ces Maquettes abandonnées, petites sculptures en papier, bois, carton et autres matériaux légers, sont des expérimentations… des objets manipulables qui invitent le spectateur à une traversée mentale qui devient physique avec les Espaces non-fonctionnels, lorsqu’il s’agit de grandes sculptures en tasseaux de bois. Ces «espaces autres» nous emportent dans une rêverie et nous permettent de prendre la mesure du monde que nous habitons réellement.

Mes Maquettes abandonnées sont donc réalisées par une succession de gestes libres et rapides. Le moteur à deux temps qui permet à ces œuvres de voir le jour est constitué par un mouvement sans médiation, entre une activité mentale délivrée d’un but et des impulsions vives, libérés du souci de la précision et de l’exactitude. La dualité inhérente à chacun de mes gestes est un va-et-vient direct entre des couples d’opposition du type : art/architecture, plein/vide, fini/non-fini, pli/dépli, horizontal/vertical, intérieur/extérieur, bienfait/malfait, construit/déconstruit, dedans/dehors… une expression vive de ma double identité, micro synthèse, à l’instant T, des tensions qui animent les différences culturelles, visuelles ou concrètes qui forgent mon existence.

Mengzhi Zheng, 2018

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EN

Visions of space and
dreams of architecture 

The first works I exhibited were Maquettes abandonnées (Abandoned mock-ups), a form of visions of spaces, of dreams of architecture. Sculptures made of slatted wood, Espaces non-fonctionnels (Non-functional spaces), drawings and engravings elaborate my visual approach to questions dealing with space. 

Scraps of cardboard and paper, strips of wood or other elements that I found within reach while working at my desk offer the possibility of being assembled in a randomly poetic way. They give birth to art objects that evoke dwellings and pull me into another mental dimension. While theoretically uninhabitable, they reveal themselves to me as incitements to reverie: visions of spaces and dreams of architecture… 

My return from a trip to China in 2008 inspired images of the fragile balance between the large expanses of my childhood and the narrow streets of Paris in the upper Marais. In China, I discovered that the vast spaces from my youth had been encroached on by gigantic buildings…. I remembered how my imagination was stimulated by the happy urban chaos of cardboard piled up in the Paris shops. Little by little, an interrogation between inhabited and non-inhabited spaces poetically imposed itself in works that question our contemporary practice of architecture. 

In my notebooks I draw constantly, sketching ideas of potential buildings grasped in the endlessness of their suspended construction. But it was photography that enabled me to explore the relationship of the body to architecture, to arrive at a mental image of a place. In addition, through engraving I found a way to reveal the articulations that shape the thing we call “space.” We think we know what space is, what it has been since the beginning of time, yet it exists solely in relation to the infinity of gestures that shape it. The Maquettes abandonnées, small sculptures in paper, wood, cardboard and other lightweight materials are experiences… manipulatable objects that invite the spectator on a mental journey, a journey that becomes physical in the large-format Espaces non-fonctionnels sculptures in slatted wood. These “other spaces” carry us away as if in a daydream and make it possible to comprehend the world we live in. 

My Maquettes abandonnées are assembled in a succession of free, rapid gestures, a two-stroke engine that allows these works – which incorporate movement without mediation, linking mental activity with no purpose and impulse with no concern for precision – to come to light. The duality inherent in each gesture is a back and forth between opposites, art/architecture, full/empty, finished/unfinished, folded/unfolded, horizontal/vertical, interior/exterior, well-made/poorly made, constructed/deconstructed, inside/outside… in a vivid expression of my double identity, a micro-synthesis of the tensions that animate the cultural differences, visual or concrete, that at any given moment shape my existence.

Mengzhi Zheng, 2018

Traduction : Laurie Hurvitz