Mengzhi Zheng

On n’y rentre pas mais on en sort
11.09 → 24.10.2020
Galerie Heinzer Reszler, Lausanne

FR english below

A portée de main, Erik Verhagen

Les différentes familles de travaux de Mengzhi Zheng exposées à Lausanne relèvent d’un même principe contradictoire et aléatoire à partir duquel l’artiste a échafaudé son propos au tout début de sa trajectoire. Evoluant dans un no man’s land aux confins d’une réalité architecturale extirpée de tout rendement ou usage et d’un univers sculptural investi d’un potentiel, compris au sens le plus hypothétique et latent du terme, fonctionnel, l’œuvre de Zheng est représentative de ces démarches qui brouillent les pistes entre ce qu’est supposé incarner une architecture, nécessairement «contrainte», et une proposition plasticienne placée sous le signe d’une certaine «liberté». Echappant aux réflexes taxinomiques, ses travaux répondent surtout à une perspective processuelle et à une urgence d’exécution incitant l’artiste à produire ses objets composés de vides et/ou de pleins à travers des «sessions», souvent réduites à quelques heures et ne dépassant rarement la journée de travail. Selon les cas, il utilise des matériaux précaires et récupérés – papiers calques, baguettes de bois de circonstance ou bouts de carton – collés les uns aux autres, à l’image de la série des Maquettes abandonnées pour lesquelles Zheng conçoit en outre des cartons au statut indéterminé, pour ne pas dire ambigu, qui relèvent à la fois du réceptacle, de la membrane ou de l’extension du geste sculptural, ces pseudo-emballages n’étant pas sans évoquer les boîtes, sous forme d’alter ego, que l’artiste conceptuel On Kawara créait pour accueillir ses dates paintings. Dans d’autres cas comme dans les Contextures et Petites chutes, l’artiste fait appel à des matériaux plus solides mais également récupérés qu’il assemble dans une même urgence en fonction aussi des outils à sa disposition. Soumises à un jeu dialectique, ces sculptures s’attachent d’une part à une échelle réduite et intime – on peut les manipuler, les tourner sur elles mêmes afin d’en découvrir et explorer les variations parallactiques – tout en esquissant par ailleurs le scénario d’une concrétisation architecturale, «monumentale», qui pourrait voir le jour.
La sculpture Milieu laisse planer cette utopie de ce que Zheng qualifie d’un «presque habitable», le presque résumant à lui seul les tensions en jeu dans sa démarche. Le caractère mouvant, fluctuant et nomade propre à ses objets. Conçue – il en est de même pour la famille des Pli-Dépli – à partir d’un travail préparatoire numérique, l’œuvre répond à d’autres contraintes et protocoles mais renvoie in fine au même état d’esprit animant ses œuvres «à portée de main».

 

EN

Within reach, Erik Verhagen

The different bodies of works by Mengzhi Zheng exhibited in Lausanne reflect
the same contradictory and random principle from which the artist constructed his artistic dialogue at the very beginning of his trajectory. Evolving in a “no man’s land” at the limits of an architectural reality disconnected from all pragmatic function or usage, and in a sculptural universe invested with functional potential—in the most hypothetical and latent sense of the word—Zheng’s work is representative of an approach that blurs the lines between what architecture is supposed to embody, essentially “constrained,” and a more plastic proposal that comes from a certain “freedom.” Escaping from taxonomic reflexes, his works correspond above all to a processual perspective, and to an immediacy of execution that leads the artist to produce his objects, composed of emptiness and/or fullness, in sessions that are frequently condensed into a few hours, rarely exceeding a single working day. He uses fragile found materials—tracing paper, salvaged wooden sticks, bits of cardboard, depending on his surroundings—glued together, as in his series of Maquettes abandonnées. For these, Zheng imagined, among other things, cardboard boxes of indeterminate, if not ambiguous, status that can be seen at once as receptacles, membranes or extensions of the sculptural gesture— pseudo-packages that also evoke the boxes, in the shape of an alter ego, which the conceptual artist On Kawara created to receive his Date Paintings. In other situations, such as in his Contextures and Petites chutes, the artist calls upon more solid, yet again salvaged materials, which he assembles with the same sense of urgency and are also determined by the tools at his disposal. Subjected to a dialectical game, these sculptures involve on the one hand, a small, intimate scale—you can manipulate them, turn them over onto themselves in order to discover and explore their parallactic variations—while sketching out the scenario of a “monumental” architectural concretization that might emerge.
The sculpture Milieu hints at this utopia, of what Zheng describes as “almost habitable,” the word “almost” summarizing the tensions at play in his approach. The moving, fluctuating and nomadic character unique to his objects. Conceived—as with the series Pli-Dépli—from preparatory work made with digital technology, this work answers to other constraints and protocols but refers in fine to the same state of mind that animates his works, “within reach.”

Traduction : Laurie Hurvitz


Photo © Julien Grimaud