Mengzhi Zheng

Plus grand que les murs
13.07 → 09.09.18
galerie Martagon, Malaucène

Note sur quelques dessins et quelque maquettes abandonnées de Mengzhi Zheng,
par Jean-Louis Poitevin, écrivain, critique d’art, docteur en philosophie,
rédacteur en chef de la revue en ligne www.tk-21.com

 

Fond blanc, surface colorée

Plissements

Les dessins récents de MZ sont nouveaux dans la forme et dans les questions qu’ils permettent de déployer. Petits traits noirs sur fond blanc, ils semblent se déplier à partir d’eux-mêmes jusqu’à ce qu’un état d’équilibre précaire soit en quelque sorte atteint, soit devenu palpable.
Un trait de trop, un trait qui manque aussi bien, et la tour ou l’escalier, la station orbitale ou l’échelle, la carapace ou l’esquisse d’une opération d’occupation d’un espace vierge, bref la structure semi-vivante qui vient s’exhiber sous nos yeux risquerait de s’écrouler.
Chaque dessin est un pari pour l’existence et un aveu de sa fragilité. Il se déploie comme une succession de plis ou de superpositions d’éléments discrets semblant aimantés entre eux a minima. Chaque structure, chaque existence donc, est comme saisie juste après son apparition et juste avant le seuil d’une rupture.
Et puis vient la couleur, ou plutôt les couleurs. Elle dansent de micro-surface en micro-surface, celle de ces petits « carrés » qui constituent l’élément de base et donc l’unité de mesure de chaque structure dessinée. Les couleurs, ici, se manifestent sous la forme de hachures colorées.
Avec la couleur tout change. En fait, tout a déjà changé. La structure s’est mise à danser et l’on se retrouve à tendre l’oreille, comme si le dessin était porteur de voix, de bruits de vie, de chants que le fond blanc empêchait de surgir.

Concrétions

La parenté avec les sculptures faites de matériaux divers que sont les maquettes abandonnées est évidente. Œuvres dues à des mains agiles se mettant en action dans des moments de parenthèse cérébrale – un entre-deux dans lequel, entre travail et repos, l’imagination peut se déployer – les maquettes assurent aux plis une consistance et aux couleurs une expressivité maximale. Elles deviennent, à travers le jeu différentiel des plis, les doubles des dessins où se mettent en scène des plissements vibratiles.
Comme ces maquettes ne sont pas des projets d’habitation mais des manifestations d’une donne psychique dans laquelle la raison est mise au repos, on ose s’aventurer dans une visite décomplexée.
L’œil remarque vite, à son plus grand plaisir qu’il peut les traverser, car il n’y a pas de murs.
Il peut danser le long des parois, et refaire à sa manière les mouvement que firent les mains agiles.
Il peut tenter de projeter un rêve dans le vide accueillant qui scintille entre les éléments et alors faire de l’œuvre le support d’une invention sautant au-dessus des paradoxes.
Car ici, l’œil rejoint la main, le dessin rejoint le reflet du soleil sur l’envers de la pupille et l’œuvre, dessin ou sculpture, établit son règne dans l’arrière-cour de nos attentes, là où l’on peut se reposer à l’abri du ciel.


Photo : Mengzhi Zheng © Adagp, Paris.